L’Institut universitaire en santé mentale de Québec – La désinstitutionnalisation
Le développement de la psychopharmacologie dans les années 1950-1960 s’accompagne d’une forte vague de désinstitutionnalisation. L’évolution du concept de maladie mentale nous amène, encore une fois, à une nouvelle vision des traitements à administrer à ceux qui en souffrent. Le mouvement des droits et libertés de la personne donne un ton de respect aux institutions psychiatriques et on vise à partir de ce moment à humaniser les traitements en santé mentale, tout d’abord en abandonnant l’asile comme moyen d’intervention et en limitant le nombre et la durée des hospitalisations. On tente d’éviter aux patients la perte de leur situation et de leur foyer. On ne les hospitalise que si c’est vraiment nécessaire et on retourne dans la société ceux qui en sont aptes.
Même si le véritable mouvement de désinstitutionnalisation ne débute que vers 1960, le début du XXe siècle possède son école de pensée à ce sujet. Le docteur Delphis Brochu, surintendant médical à l’Hôpital Saint-Michel-Archange de 1903 à 1923, émet la réflexion que les malades hospitalisés doivent être préparés à un retour éventuel en société ; il augmente ainsi le nombre de libertés aux plus lucides. Il tente aussi, pour certains, le traitement dans leur famille, et en cas d’échec, dans des familles isolées ou de type colonial1. On peut voir ici un prélude à la désinstitutionnalisation dès le début du siècle. (E1)
C’est ensuite en 1950 qu’arrivent les débuts de la désinstitutionnalisation. C’est la mise en place du programme « portes ouvertes », qui ponctue les hospitalisations par des sorties, à l’exemple de promenades au parc ou de fin de semaine dans la famille. C’est aussi à cette époque que l’on reconnaît l’existence de foyers affiliés à l’Hôpital Saint-Michel-Archange, ceux-ci servant principalement à décongestionner le système de santé. Cependant, on remarque au Québec un certain retard dans la désinstitutionnalisation car ce mouvement nécessite une réorganisation en matière de prise en charge de la maladie mentale. L’accent doit passer du patient individuel au milieu familial, social et culturel2.
C’est donc durant la décennie 1960 que le véritable changement se fait. En 1965, les religieuses abandonnent la gestion de l’hôpital à la suite de la révolution de la psychiatrie et des débuts de la désinstitutionnalisation. L’hôpital est remis entre les mains de l’État. C’est la première phase de la désinstitutionnalisation. Elle est amorcée en partie par le rapport Bédard. Une Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques est mise sur pied en 1961 par le gouvernement libéral et le 9 mars 1962, elle dépose son rapport. Le rapport Bédard recommande entre autres la désinstitutionnalisation : « La Commission est convaincue que des centaines de malades continuent d’habiter nos hôpitaux mentaux, alors que leur état mental ne requiert pas l’hospitalisation. La Commission termine ses commentaires en évoquant les principales recommandations (…) :
- On doit traiter les malades mentaux près de leur lieu de résidence, afin d’éviter le déracinement social;
- Des hôpitaux plus petits (moins de 500 lits) et rattachés à des hôpitaux généraux régionaux assurant des services plus adéquats (…) ;
- Chaque hôpital psychiatrique, outre l’hospitalisation, doit offrir la gamme des services : cliniques externes, centres diurnes et nocturnes, équipe d’urgence, etc., avec la réduction conséquente du nombre de lits (…).3 »
Cette première phase a trois objectifs : régionaliser, diversifier et multiplier les services dans la communauté.
La deuxième phase débute vers les années 1975 et change principalement, encore une fois, la perception de la société envers la maladie mentale. Considérée au même titre que toute autre maladie, on commence à intégrer des services pour les malades mentaux dans les établissements de soins déjà existants, c.-à-d. par exemple dans les hôpitaux généraux ou dans les cliniques médicales.
La troisième et dernière vague de désinstitutionnalisation débute avec la Politique de la Santé mentale en 1989. Cette politique donne cinq orientations quant au traitement de la maladie mentale :
- assurer la primauté de la personne;
- accroître la qualité des services;
- répartir équitablement les ressources en fonction des besoins;
- rechercher des solutions dans le milieu de vie;
- consolider un partenariat entre l’individu, les ressources publiques et les ressources du milieu4.
Ainsi, à la suite de la politique de 1989, on assiste à la mise en place d’un système de services dans la communauté (extrahospitalier) afin d’éviter les hospitalisations en milieu psychiatrique. Ces centres de traitements dans la communauté sont installés dans des espaces intégrés à la société. Une équipe multidisciplinaire y prodigue des soins jour et nuit. La spécificité des patients, selon leur diagnostic, ainsi que la spécialisation des employés, formés avec une approche particulière, font de ces centres des lieux de traitements surspécialisés en psychiatrie5. Plusieurs services sont offerts dans ces centres, comme par exemple un service de garde psychiatrique, un service d’accompagnement par des intervenants du centre, un service d’intervention d’urgence et des visites à domicile.
Le traitement dans la communauté a beaucoup évolué depuis son apparition. Au XXIe siècle, l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (E2) a divisé ses services en plusieurs centres spécialisés situés dans la communauté. Ces centres sont rattachés à des programmes-clientèles http://www.institutsmq.qc.ca/index.php?id=110.asp depuis la réorganisation des soins et services de cet établissement. Ce type d’organisation « est constitué d’un ensemble d’actions interreliées répondant à des objectifs précis qui nécessitent pour leur réalisation des ressources humaines, matérielles, financières et informationnelles, en vue de satisfaire les principaux besoins d’une clientèle cible.6 ». Ces programmes-clientèles consistent en un regroupement de malades par famille de diagnostics en psychiatrie, et ce visant une meilleure évaluation des besoins, une plus grande accessibilité aux services dans la communauté et la répartition des ressources7. Ainsi, selon le diagnostic du patient, celui-ci n’est pas hospitalisé mais plutôt traité en extrahospitalier dans un centre spécialisé à son type de maladie. À titre d’exemple, un des programmes-clientèles regroupe des personnes atteintes de troubles sévères de la personnalité. Ces patients sont soignés dans le Centre de traitement Le Faubourg Saint-Jean. Ce programme-clientèle traite des personnes les plus sévèrement atteintes de la région de Québec dont les symptômes sont graves et nécessitent une approche interdisciplinaire pour améliorer leur condition de santé mentale. Quant à ceux souffrant de troubles affectifs, ils se rendent à l’Hôpital de jour pour consulter l’équipe multidisciplinaire et recevoir leurs traitements. Ces services sont offerts aux personnes en état de crise qui ne présentent pas de danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Il s’agit d’un traitement intensif de courte durée permettant d’éviter l’hospitalisation. Les personnes y sont le plus souvent référées par l’urgence psychiatrique située à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus8. Ainsi, plusieurs centres qui fonctionnent par familles diagnostiques sont créés dans la communauté. On voit donc les résultats de la désinstitutionnalisation aujourd’hui : une meilleure accessibilité des services qui sont appropriés au patient afin de favoriser un meilleur traitement dans la communauté et une réinsertion sociale maximale. En ce qui concerne les autres ressources résidentielles dans la communauté de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, comme les ressources de type familial, plusieurs ont été transférés aux CLSC de la région de Québec. Les services et les professionnels suivent d’ailleurs cette vague et se dispersent dans la communauté.
- Hubert A. Wallot. op.cit., p. 92.
- Ibid., p. 182.
- Hubert A. Wallot, op.cit., p. 211.
- Ibid., p. 391.
- Ibid., p. 374.
- Institut universitaire en santé mentale de Québec. Guide d’élaboration d’un programme clientèle, mars 2003, p. 10.
- http://www.institutsmq.qc.ca/index.php?id=25
- http://www.institutsmq.qc.ca/index.php?id=110