L’Institut universitaire en santé mentale de Québec

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La prise en charge des maladies mentales n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui. En dépit du développement de la science, on connaît encore mal les causes de plusieurs maladies. Par contre, les traitements afin d’améliorer la qualité de vie des malades ont subi une amélioration notable au fil des années. Mais si nous remontons quelques siècles auparavant, la situation était bien différente et les gens avaient des conceptions de la vie et des valeurs d’un autre ordre.Aux XVIIe et XVIIIe siècles, on connaissait peu ou pas les causes de la folie. Elle était souvent confondue avec la criminalité. Les scientifiques de l’époque ne s’entendaient pas à savoir si le fou était possédé par le diable, créant ainsi des crises de folie passagères, ou si l’origine de ces états d’âme était de nature physique. Quoiqu’il en soit, trois choix s’offraient à l’époque comme lieu d’enfermement des fous : l’hôpital, la prison ou la loge, ce dernier n’existant seulement qu’au Québec. Par contre, le but était le même pour chacun d’eux : la disparition de la vue des éléments indésirables de la région de Québec et l’abolition de la mendicité dans ses rues. C’est donc dans le but de réduire la mendicité que l’Hôpital Général de Québec fut fondé en 1629 et des établissements de même nature furent aussi construits à Montréal et à Trois-Rivières1. Il ne devient cependant un lieu de réclusion en 1714 pour les femmes, avec les « maisons de force » et en 1721 pour les hommes, avec les loges. Ces formes de réclusion n’offraient au malade ni guérison, ni traitement. Leur fonction première était de réprimer les aliénés dangereux et d’aider les familles ne pouvant subvenir aux besoins de ces malades. C’est en 1801 que la première loi concernant le financement de l’incarcération des malades mentaux fait son apparition. L’enfermement dans les loges atteint alors un paroxysme; étant financées par l’État, on les remplit à leur pleine capacité. Dans ces loges, le seul moyen utilisé pour traiter les malades en état de crise était alors la contention : on privait le patient de l’usage de ses membres en l’immobilisant complètement.En Europe, ceux qui attribuaient la folie à des causes purement physiques mirent au point d’autres techniques dont l’efficacité est plus que douteuse. À titre d’exemple, les machines rotatives étaient un moyen utilisé afin de « guérir » de la folie : on attachait le patient sur une chaise et on le faisait tourner sur lui-même pendant des heures, voire même des jours. Cette technique était utilisée dans le but de faire monter le sang au cerveau et de donner des nausées, qui, disait-on, avaient des effets bénéfiques. Le bain-surprise constituait un autre traitement de ce genre, tout comme la cage de fer, qui servait à isoler le fou durant sa crise et à contrôler ses mouvements2.C’est vers 1793 que le vent tourna pour ces malheureux. Un médecin français du nom de Philippe Pinel mit au point une nouvelle théorie qui rejetait les conceptions de la folie présentes dans la société. En effet, Pinel prônait l’abandon des méthodes thérapeutiques violentes, à l’exemple de la cage de fer ou de la chaise tournante, pour adopter des méthodes plus calmes et plus humaines, comme le traitement moral. C’est à cette époque qu’on commence à classifier les troubles mentaux. Pinel en avait élaboré une répartition au début du XIXe siècle, qui divisait les maladies mentales en quatre catégories : la mélancolie, la manie, l’idiotisme et la démence. Cette catégorisation des maladies fut longtemps la seule référence qui fut utilisée dans le domaine de la psychiatrie. Mais à la fin du XIXe siècle, trois types de désordres mentaux ont remplacé la classification de Pinel : la paralysie générale, qui inclut toutes les complications de la syphilis tertiaire, l’alcoolisme (sevrages, psychoses, intoxications, démences alcooliques) et la schizophrénie. Ce sont les premiers balbutiements de la science de la santé mentale : la psychiatrie.En 1824, un rapport est déposé au gouvernement sur les aliénés au Bas-Canada, conformément à un mouvement de déresponsabilisation de l’Église et des ordres religieux face aux malades mentaux.3 Dans ce contexte, le docteur James Douglas, médecin réputé dans la région de Québec, donna une conférence sur les causes de la folie, qu’il attribuait non seulement à l’hérédité, mais aussi aux causes socio-économiques et socio-culturelles de l’époque. Cette vision de la folie amena une nouvelle conception : elle peut frapper n’importe qui et la remise en établissement respectable en plus du contrôle des mauvaises habitudes du patient peuvent avoir des conséquences positives pour l’individu. C’est ainsi que l’État fit appel au docteur Douglas pour fonder un asile à Québec qui serait financé par les deniers publics. Le docteur Douglas se donna par contre un objectif différent de celui du « renfermement » des aliénés : la réforme morale du malade. L’isolement et l’incarcération étroite et passive ne pouvaient, selon lui, qu’augmenter la folie et mener, dans certains cas, au suicide. À l’isolement succéda donc la vie communautaire; à la violence, le calme et la douceur; au régime de pain et d’eau, les bons repas; etc., le tout dans un but de moralisation du patient.4C’est donc en le 15 septembre 1845 que l’Asile provisoire de Beauport (aujourd’hui l’Institut universitaire en santé mentale de Québec) fut fondé par le docteur James Douglas, aidé des docteurs Charles-Jacques Frémont et Joseph Morrin, et ce dans l’ancien manoir du Sieur Robert Giffard, pionner et premier médecin de la Nouvelle-France, seigneur de Beauport.  Dès l’ouverture, 95 « lunatiques » (terme utilisé à l’époque pour désigner les aliénés mentaux) furent tirés des hôpitaux et prisons de Québec, Montréal et Trois-Rivières pour être placés à l’asile. C’est la première fois que des lunatiques étaient considérés comme des malades et donc, par définition, guérissables.5 L’humanité des nouvelles thérapies du docteur Douglas permettront ainsi de changer certains traitements chocs auxquels on croyait à cette époque. C’est le cas, par exemple, des bains-douches. Le patient était enfermé dans une cuve pendant une quinzaine de minutes et l’on déversait de l’eau froide sur lui. C’est aussi le cas des saignées sur la tête, de l’utilisation des sangsues et du mercure, etc. On tentait encore, à cette époque, de guérir les malades par l’étourdissement et les vomissements. La contention et l’isolement étaient toujours d’actualité pour les cas violents.6 Ces traitements seront ainsi abandonnés peu à peu grâce aux méthodes plus douces du docteur Douglas.Cette époque est donc caractérisée par une prise de conscience des autorités en place : ils constatent que le système de traitement des fous est désuet et barbare. S’ensuit ainsi la création d’un asile en 1845 à Québec, le premier de la province.  On note un certain changement dans les traitements qui sont administrés aux malades mentaux, mais surtout, dans les conceptions de la maladie mentale, avec la théorie de Pinel qui sera appliquée à l’Asile provisoire de Beauport dès sa fondation : le traitement moral. Il est à noter qu’en 1885, le contrôle médical des établissements dans ce domaine passe aux mains du gouvernement.

  1. Appellations du Centre hospitalier Robert-Giffard depuis ses débuts : 1845-1850 : Asile provisoire de Beauport.; 1850-1865 : Quebec Lunatic Asylum; 1865-1912: Asile des aliénés de Québec; 1912-1923 : Asile Saint-Michel-Archange; 1923-1976 : Hôpital Saint-Michel-Archange; 1976-2009 : Centre hospitalier Robert-Giffard.
  2. Normand Séguin. s.d., L’institution médicale. Les presses de l’Université Laval, Québec, 1998, p. 37.
  3. Collection des archives, Galerie historique Lucienne-Maheux, Institut universitaire en santé mentale de Québec.
  4. Hubert A. Wallot. Entre la compassion et l’oubli: La danse autour du fou, Survol de l’histoire organisationnelle de la prise en charge de la folie au Québec depuis les origines jusqu’à nos jours, I- La chorégraphie globale. Éditions MNH, Beauport, 1998, p. 30.
  5. Ibid.
  6. Louisa Blair. Les Anglos : La face cachée de Québec, Tome I : 1608-1850. Commission de la Capitale nationale du Québec et Éditions Sylvain Harvey, s.l., 2005, p. 88.

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