L’Institut universitaire en santé mentale de Québec – Medical Treatments

L’Institut universitaire en santé mentale de Québec – Les traitements médicaux

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Découverte en 1917 par Julius Wagner Von Jauregg (1857-1940) à Vienne, la malariathérapie (C1) est mise au point et introduite au Québec vers 1925 et utilisée dès 1927 comme traitement de la démence syphilitique (paralysie générale) à l’Hôpital Saint-Michel-Archange. Ce traitement consiste à inoculer au malade atteint de paralysie générale le germe du paludisme. Le but est d’obtenir suffisamment de crises hyperthermiques (accès palustres) pour guérir la maladie. Jauregg pensait que, la maladie étant dû à un agent extérieur (le microbe de la syphilis), l’élévation de température pourrait tuer cet agent extérieur et on aurait une guérison. Le docteur Charles-Saluste Roy, (C2) surintendant à l’Hôpital Saint-Michel-Archange (de 1923 à 1946), note à cet effet, en 1929, que les « résultats sont jusqu’ici inespérés mais que les risques de ce traitement restent élevés1. » Cette déclaration s’accompagne de statistiques : sur dix patients traités avec la malariathérapie, on note une rémission complète, deux cas inchangés, trois améliorations et quatre décès. Ses succès furent donc limités, malgré les attentes qu’on en avait. Traitement complètement dépassé aujourd’hui, il a été remplacé au début des années 1940 par la pénicilline; elle s’avérait plus efficace et réduisait les risques associés au traitement.

Quant à elle, l’insulinothérapie (C3-C4) est découverte en 1933 par le psychiatre Manfred Sakel (1900-1957). Au départ, et aujourd’hui encore, l’insuline est surtout utilisée pour traiter le diabète, mais on se rend vite compte de ses effets bénéfiques, en particulier pour la schizophrénie. L’insulinothérapie est d’ailleurs le premier traitement à avoir un effet positif sur cette maladie, et elle est appliquée dès 19342. Ce traitement est introduit à l’Hôpital Saint-Michel-Archange vers 1937, mais sa période d’utilisation la plus prospère est sans doute dans les années 1950. Le schizophrène est le malade qui réagit le mieux à ce traitement médical, mais il n’est pas le seul; on traite aussi les cas de type paranoïde et les déprimés. Par contre, l’insulinothérapie cause problème chez les femmes : elles seraient, selon le docteur Armand Thibault de l’Hôpital Saint-Michel-Archange, plus difficiles à traiter par ce médicament. Elles réagiraient de manière beaucoup plus exubérante que les hommes. Ce problème a été réglé en traitant les femmes dans des salles individuelles3. Cette thérapeutique médicale est pratiquée jusque dans les années 1970 à Saint-Michel-Archange, pour ensuite être complètement délaissée au profit des antidépresseurs.

Parallèlement, d’autres formes de traitement se développent : la convulsivothérapie (appelée aussi pharmacoconvulsion), mise au point par Ladislas Von Meduna (1896-1964). Meduna utilise d’abord des injections de camphre dissous dans l’huile d’olive pour provoquer des convulsions chez des malades catatoniques. Il abandonne ce traitement peu après pour utiliser le métrazol (Cardiozol). (C5-C5a) Introduit au Québec en 1934, ce médicament, qui se révèle être plus efficace que le camphre, est d’abord utilisé comme test-diagnostic pour l’épilepsie puisqu’il provoque chez le patient une série de crises convulsives et que l’épileptique réagit fortement aux convulsions. Agissant sur les troubles du comportement et sur le caractère, on se rend vite compte de ses effets sur toutes sortes de psychoses, entre autres les maniaco-dépressives, ainsi que sur l’anxiété et la schizophrénie4. Même si elle ne guérit pas complètement la maladie, le métrazol permet une amélioration telle qu’il est possible, à la suite du traitement, d’amener le patient dans une salle communautaire et de lui demander de petits services. Dans un traité sur le traitement par les chocs publié en 1943, le docteur Charles-Saluste Roy affirme que le métrazol est en train de devenir le médicament le plus populaire pour traiter toutes sortes de psychoses5.

Cependant, la convulsivothérapie par le métrazol comporte son lot de problèmes. Tout d’abord, certains patients ne peuvent être traités par ce médicament : personnes atteintes du cœur, atteintes d’une affection fébrile et celles ayant subi un fort traumatisme crânien avec perte de mémoire6. De plus, les convulsions causent parfois de nombreuses fractures chez le patient, ce qui n’est pas sans causer de problèmes. C’est ainsi que quelques années après la découverte de la convulsivothérapie par le métrazol, celle-ci est remplacée par les électrochocs, mis au point par Ugo Cerletti (1877-1963) et Lucino Bini (1908- ).

Le principe de l’électrochoc est de provoquer une perte de conscience suivie de convulsions, le tout en faisant passer un courant alternatif dans l’organisme par l’entremise du cerveau. Résultat : un raccourcissement spectaculaire de la durée des souffrances mentales, habituellement atroces pour le patient, qui autrefois duraient de six à neuf mois7. En 1955, une étude publiée sur les électrochocs montre que les résultats de ce traitement médical sont au moins aussi positifs que ceux de l’insulinothérapie. Par contre, ils ne peuvent remplacer le métrazol comme test-diagnostic de l’épilepsie, ce qui constitue un des points négatifs de ce traitement. L’autre : le mouvement antipsychiatrique des années 1970 se positionne contre cette technique en affirmant le barbarisme du procédé. Cette prise de position va entraîner un scepticisme face aux électrochocs dans la société. Aujourd’hui, ce traitement est toujours pratiqué, mais dans des conditions moins dangereuses et plus humaines : l’utilisation du curare permet d’éviter les convulsions et l’anesthésie complète, les souffrances du patient. De plus, aujourd’hui, la principale indication de l’électrochoc est la dépression majeure résistante aux autres traitements et faisant courir un risque vital au patient, donc utilisé comme traitement de dernier recours.

Inventée au Portugal en 1935 par Egas Moniz (1874-1955) et introduite au Québec vers 1946, la lobotomie (C6) est à l’époque considérée comme révolutionnaire. Elle se pratique en sectionnant les nerfs qui relient le lobe frontal au reste du cerveau afin d’en limiter les échanges. La première lobotomie pratiquée au Québec se fit en 1946 à l’Hôpital de Verdun, puis fut introduite par la suite à Saint-Michel-Archange. Elle est utilisée, entre autres, pour soigner l’anxiété et l’agitation pathologique. Malgré ses résultats fulgurants qui éberluent tous les médecins, la lobotomie n’est pas parfaite. Elle est en fait très risquée. La science neurologique n’était pas à cette époque très développée, et les connaissances sur le cerveau étaient minimales. Des incidents se produisent parfois et des mauvais nerfs sont sectionnés par erreur, entraînant de ce fait l’apparition d’un état végétatif chez le patient. La lobotomie peut aussi avoir des effets négatifs tels un appauvrissement affectif ou des rechutes8. Même si on semble voir une amélioration sur l’état des patients, la surface cache parfois certains problèmes; si les tourmentés semblent apaisés, si les agités semblent calmés, ils sont quelques fois privés de leur jugement moral et de leurs habiletés sociales. L’arrivée de la psychopharmacologie (C7) dans les années 1950 signe la mise au rancard de cette pratique, qui ne ressurgira que plusieurs années plus tard. Malgré tout, ce traitement médical semble avoir tout de même charmé le milieu médical, car il est encore pratiqué aujourd’hui dans des cas isolés. La lobotomie a par contre changé de nom, celui-ci étant trop péjoratif : le traitement est devenu la stéréotaxie. Elle est maintenant pratiquée sur des gens souffrant de dépression chronique ou de troubles compulsifs graves et on obtient de ce traitement un taux de réponse allant de 60 à 70% chez les personnes ayant subi cette intervention9.

Finalement, la cure du sommeil fut aussi un traitement médical beaucoup pratiqué dans les débuts de la deuxième moitié du XXe siècle. Elle consistait simplement au repos systématique du malade pendant plusieurs jours, celui-ci étant alité dans une salle réservée à cet effet. Cette thérapie était utilisée pour traiter plusieurs types de maladies, à savoir : les malades très déprimés et affaiblis dans leur état physique et mental, les sujets atteints d’excitation maniaque ou de délire aigu, ainsi que tous ceux épuisés par le surmenage, les nuits d’insomnies et les privations de nourriture10.

Ainsi, l’arrivée des traitements médicaux dont nous avons parlé plus haut ont soulevé à la fois l’admiration et la répulsion. Bien que révolutionnaires pour l’époque, l’arrivée de la psychopharmacologie les relèguera au stade de souvenir. (C8-C9-C10-C11-C12-C13-C17-C18)

  1. Jules Lambert. Mille Fenêtres, op.cit., p. 60
  2. Lambert Tremblay. Évolution des traitements en psychiatrie depuis la fondation de l’asile jusqu’à l’ère du Prozac dans la société moderne, p. 18.
  3. Armand Thibault. Notes relatives à l’insulinothérapie, traitement en vigueur au cours des années 1950. Galerie historique Lucienne-Maheux, Institut universitaire en santé mentale de Québec, p. 1. 21 Lambert Tremblay. op. cit., p. 26.
  4. Lambert Tremblay, op.cit., p. 26.
  5. Charles-Saluste Roy. La malaria thérapie et la thérapeutique par les chocs à l’Hôpital Saint-Michel-Archange. Auspices du Ministre de la Santé et du Bien-être Social, l’Honorable Henri Groulx, Québec, Galerie Lucienne-Maheux, Institut universitaire en santé mentale de Québec, 1943, p. 63.
  6. Ibid.
  7. Hubert A. Wallot. op. cit., p. 135.
  8. Mario Girard. “L’émotion sectionnée”, in La Presse,January 9, 2005, p. 13.
  9. Ibid.
  10. Hubert A. Wallot. op.cit., p. 108.